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Le Secret de la statue, par Louise Andrier

Article du 4 juin 2012, publié par PO (modifié le 5 juin 2012 et consulté 783 fois).

La Nouvelle vague fantastique : Table des matières


LE SECRET DE LA STATUE

Louise Andrier

Je m’appelle Rose de Montaguant. Je suis originaire de Provence mais mon père fut appelé à la cour du roi Soleil lors de mon adolescence. À mon entrée à la cour ma défunte soeur devint amie du roi et mon père devint un haut placé, ma mère se contentait de passer ses journées dans les salons de Versailles. Quant à moi je restais à l’écart de toutes festivités. Mais à l’âge de seize ans, je m’y habituai jusqu’à y participer. Je vais maintenant vous raconter ce qui m’est arrivé, il y a deux ans. Je passais la soirée dans les salons de Versailles. Vers onze heures et demie, je me rendis dans les jardins pour laisser le vent rafraîchir mon corps fatigué par la danse. Le climat était doux et clément par ailleurs la lune ne pouvait être vue car elle était recouverte toute entière par un brouillard épais et blanc. Je m’assis sur un banc au fond du jardin près du fleuve qui longeait le parc. C’était là que l’on avait installé la statue de ma défunte soeur, Marie-Anne. Elle avait été assassinée l’année qui précédait. Mais on ne connaissait pas son meurtrier. Pourquoi avoir fait du mal à la plus merveilleuse des jeunes filles ? C’était l’objet de grandes discussions à la cour depuis maintenant deux ans.

Je m’assis donc sur le banc face à la statue de pierre de ma soeur... Au bout d’une heure après m’être bien remémorée les lignes fines de ma soeur et en me souvenant de sa voix douce et chantante, je rentrai au château pour y dormir.

Sur le chemin en direction de la grande porte du château, je sentis un souffle doux et léger me caressant le cou puis la joue. Je me retournai ; rien, peut être le fruit de mon imagination me jouant des tours. Puis, en montant les escaliers du roi, je vis une ombre qui était tout sauf semblable à la mienne. Je hâtai le pas et je pris soudain de plus en plus peur. J’arrivais dans les minutes qui suivaient dans ma chambre. Là je me couchai et je dormis.

Le lendemain soir, j’assistai à une représentation d’une nouvelle oeuvre de Molière à laquelle Lully avait participé. Lorsque le spectacle fut terminé, je me rendis auprès de mon ami Baptiste pour lui souhaiter le bonsoir. Il me retint par le bras, puis d’une voix délicate il me demanda de l’attendre dans le petit cagibi situé derrière le salon vert. Je m’y rendis... J’entendis des pas, ceux de hauts talons arrivant par les salons précédant celui où je restais à l’attendre. Il vint donc au bout d’une petite dizaine de minutes. Il s’agenouilla, prit ma main et commença par l’embrasser. Puis il releva la tête, se remit debout et me dit par de doux mots, quel était son amour pour moi. Vous l’avez bien compris, il me demanda ma main. Mais il prit bien soin de me prévenir qu’il avait déjà obtenu l’accord de mon père. Une sueur froide coulait sur son front, il attendait une réponse et prestement. Mais quelque chose me retint, comme une sorte d’ange se tenant sur mon épaule me chuchotant des mots de conseil à l’oreille. Tout d abord je vis à la fenêtre une silhouette s’agitant dans tous les sens. Je crus reconnaître celle de ma soeur. Mais je m’ ôtais vite ces idées noires de la tête : comment pourrait-ce être celle de ma soeur, elle était bien morte, je l’avais vue de mes propres yeux. Ça n’était peut-être que les simples sentiments me secouant de tout mon long et me faisant imaginer d’étranges choses improbables. La silhouette continuait de s’agiter indiquant des sortes de signes négatifs et elle se dessinait de mieux en mieux, elle était vraiment fine et paraissait d’une beauté si invraisemblable, que même le plus grand maître sur terre n’aurait pu la reproduire, ni même les plus grands dieux qui nous observent du haut du ciel... J’adressai un dernier regard à Baptiste puis je courus hors du petit cagibi, je traversai à grandes enjambées le salon vert puis je passai tous les salons colorés. Baptiste me courait après, puis il s’arrêta voyant qu’il ne pouvait rien faire... Je ne parvins pas à dormir de la nuit. Quelle était cette ombre ? À quelques minutes du lever du soleil, j’entendis des murmures inaudibles. Je fermai la fenêtre, les murmures continuaient. Je fermai la porte, ils continuaient de plus belle. Puis je me recouchai et plus rien...

Le premier soir de septembre, j’assistais à un ballet organise par le roi pour fêter l’arrivée de l’automne. À la fin de la soirée lorsque les allées entre les sièges furent vides et que je me décidais enfin à me lever pour sortir, je vis dans la pénombre le visage de Baptiste ; un petit sourire réprobateur et méchant. Cet homme faisait peur à voir : depuis peu il était devenu complètement fou et avait commis certains crimes hors du commun. Je décidais donc de faire un petit détour en passant par les jardins. Par hasard je passais à côté de la statue de ma soeur, je fus surprise de n’y trouver que le socle et le nom inscrit dessus : Marie-Anne de Montaguant. On avait parlé de rénovation dans les salons, de certaines statues de Lacroix. Je continuai ma promenade, j’effleurai les rosiers, les orangers et les fleurs, quand tout à coup les mêmes murmures inaudibles reprirent de plus belle, mais cette fois-ci je fus guidée par eux jusqu’à un grand chêne, qui abritait des tulipes. Mais rien, rien que ce grand chêne qui abritait les fleurs. Je rentrai et, sur le chemin, je vis du coin de l’oeil une ombre me suivre. Je ne pris pas peur et je gardais mon calme jusqu’à mes appartements où je me couchais. Je pris soin de fermer toutes les portes à clé pour ne pas être dérangée. Le lendemain, je fus réveillée par d’étranges bruits provenant de l’extérieur. Je me hâtai de m’habiller, mais ma mère qui passait par là prit soin de me coiffer, parfumer et de me farder. Au bout d’une heure, je pus enfin sortir. Je pris les chemins les plus courts pour sortir du somptueux château et je suivis les bruits que j’entendais se rapprocher. Puis plus rien, seuls des petits chuchotements semblables aux précédents me vinrent à l’oreille. Ces doux murmures me conduisirent jusqu’au grand chêne de la veille. Mais là rien, seules les branches d’arbres crissaient. Je m’assis donc au pied du chêne, dont les feuilles jaune d’or tombaient sur le sol une à une. Puis je m’assoupis, en me réveillant je sentis un souffle qui m’effleurait la joue semblable aux précédents. Près de moi une voix délicate me chuchotait à l’oreille des mots à l’oreille. J’ouvris délicatement les yeux ; éblouie par la lumière, je ne vis tout d’abord rien. Mais ensuite après quelques secondes, enfin vous ne me croirez pas. Ma défunte soeur prenait vie, en l’occurrence sa statue. Choquée mais heureuse de la voir, je poussai un cri strident. Mais elle m arrêta, d’un pouvoir grandiose : elle posa son doigt sur ma bouche ce qui me fit me taire immédiatement. Puis, de sa bouche délicate et somptueuse de beauté sortirent ces mots : « Ma chère soeur, je prends le risque de me réveiller de ce long sommeil sans fin pour t’avertir d’un grand danger. Tu sais bien que j’ai été assassinée, me dit-elle. Et bien mon assassin est ton ami Baptiste. Tu cours un grand danger en le fréquentant et je te prie pour le bien de notre famille de ne plus jamais lui adresser la parole ». Emportée par la stupéfaction et le choc, je tombai en pamoison. En me réveillant, je ne vis plus ma soeur, elle était donc partie... Je passais des mois enfermée dans ma chambre, je ne savais que penser, que faire, que dire et surtout comment m’y prendre. Je restais dans le doute pendant plusieurs années. Or un matin, je décidais d’aller rendre visite à ce sculpteur, Lacroix. Il me reçut chaleureusement. Puisque nous nous connaissions depuis longtemps, j’avais plaisir à lui parler de ma soeur. Je me sentais très bien avec lui, sa compagnie était agréable. Nous nous entendions si bien ! Peut-être était-ce parce que quelque chose nous rapprochait : ma soeur... Pour autant je gardais le secret de ma sœur pour moi, et je l’emportais jusque dans ma tombe.

Au bout d’un an nous nous marions, et je tombais enceinte d’une petite Marie-Anne, en souvenir de ma soeur.

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