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Papin, Yves / Le Coq effigie de la France

Article du 15 mai 2009, publié par PO (modifié le 15 mai 2009 et consulté 1490 fois).

Aux Romains, on attribue le jeu de mots : « Gallus », le coq, et « gallus » le Gaulois !

Même s’ils ont laissé de lui quelques belles représentations en bronze et en terre cuite, nos ancêtres n’ont jamais mis le coq particulièrement à l’honneur…

Curieusement ce sont les ennemis de la France au Moyen-Age, anglais et germanique, qui vont chercher à ridiculiser les Français en faisant apparaître le « Gallus » comme un fou et un sot, fuyant devant le léopard britannique et l’aigle impériale. Devant les attaques portées au symbole imposé à la France, il fallut improviser. C’est ainsi qu’utilisant une timide redécouverte des gaulois, et surtout grâce à la remise à l’honneur de l’antiquité par les « humoristes », le coq va pouvoir retrouver sa fierté. En effet, le coq était révéré chez les Anciens : animal consacré à Jupiter, Mercure et Esculape, il avait ses lettres de noblesses que trois rois de France n’hésitèrent pas à utiliser en adoptant le coq pour emblème. Il s’agit de Charles VIII, Louis XII et François 1er.

En particulier dans un manuscrit de 1512, on voit un coq blanc foulant le Lion de Saint-Marc. Le coq chevauchant victorieusement un lion deviendra un thème favori des réalisateurs d’enseignes, c’est le fameux « coq hardi » qui fait encore de nos jours la gloire de nombreux restaurants. Pour certains auteurs les vrais débuts du coq symbole dateraient d’Henri IV. En effet, à la naissance de son fils, le futur Louis XIII, le « promoteur » de la poule au pot fit émettre une médaille avec un coq posant la patte sur le monde tandis que le dauphin tient une fleur de lys. Ainsi l’emblème royal demeure le lys tandis que le coq devient l’emblème du peuple français. Louis XIV ne pouvait être qu’un fervent adepte de l’oiseau qui fait lever le soleil ! C’est pourquoi le coq figure sur les chapiteaux « d’ordre français » de la galerie des glaces à Versailles, apparaît sur les cimiers des casques guerriers, sur les médailles commémoratives des victoires, etc.

On peut souligner que parallèlement les artistes étrangers se mettent à utiliser le même symbole, mais plutôt en cas de défaite française. Avec la Révolution sonne véritablement l’heure de gloire du coq. Dès la guerre d’indépendance des Etats-Unis, artistes américains et français allient le coq français au serpent américain contre le léopard anglais. Puis pour la convocation des états généraux une médaille « à coq » est frappée. Bien d’autres suivront. Le coq surmontera les hampes de drapeaux, figurera dans nombre d’assiettes patriotiques (avec pour devise « Je veille pour la patrie »), sur des cachets administratifs, etc.

Si le coq est particulièrement mis en valeur à cette époque c’est en partie en raison des qualités qu’on lui prête : courage, fierté, vigilance. On peut penser raisonnablement que jusqu’alors le « français moyen » ne devait guère prêter attention à ce symbolisme, mais qu’avec la grande diffusion d’assiettes et des « images » le coq est devenu plus profondément le représentant du peuple français.

Il est vraisemblable que, pendant des siècles, la figure du coq était liée au coq du clocher de chaque village, au reniement de Saint-Pierre, au lever du soleil et à la fécondation des poules, l’animal étant réputé pour sa vigueur sexuelle. Sous le 1er Empire, l’aigle, jugé plus noble et rappelant Rome, voulu par Napoléon, va mettre un terme à cette primauté que les papiers administratifs conservent ! La restauration essayera d’oublier ce symbole qui, bien que monarchique, est trop compromis par la Révolution, Louis-Philippe, le roi-citoyen, n’aura pas ces scrupules et va mettre des coqs un peu partout sur les hampes des drapeaux de la garde nationale, sur les sabretaches des cavaliers, sur la base de la « colonne de juillet » place de la Bastille, sur l’Arc de triomphe. Sur son blason personnel le roi fait figurer deux coqs… C’est une des périodes les plus fastes pour l’oiseau qui se voit ainsi officialisé.

La seconde République ne change rien à son importance, alors que ne change rien à son importance, alors que Napoléon III s’empresse de le faire disparaître en rétablissement l’aigle de son oncle. Assez curieusement la IIIème République renoue avec la tradition monarchique et, plus naturellement, avec la République précédente. Le témoignage le plus manifeste en est « la grille du coq » du palais de l’Elysée, coté jardins. Il est certain que le nationalisme consécutif à la perte de l’Alsace et de la Lorraine favorise la popularité de l’emblème. Quant à la guerre de 14-18 elle apportera matière aux écrivains, chansonniers, caricaturistes, propagandistes, affichistes, etc.

Et malheureusement, de nombreux villages français témoignent toujours de ce patriotisme exacerbé dans les monuments aux morts souvent sommés d’un coq fier et victorieux. Rappelons en passant que le coq gaulois a fait école en 1913 ; puisqu’un coq rouge sur fond jaune est devenu cette année-là le drapeau de nos amis wallons.

Le coq gaulois symbolisant le courage et la vaillance du peuple français, il est naturel de le voir utilisé en période de guerre. C’est pourquoi durant la Seconde Guerre mondiale l’emblème va reprendre du service et s’opposer à la francisque puis, associé à la croix de Lorraine, vaincre la « croix gammée ». Le corps expéditionnaire en Italie avec le futur maréchal juin le fait sien. Le Gouvernement provisoire d’Alger émet une série de timbres avec un coq victorieux sur fond de croix de Lorraine. Sans compter un journal « le Coq Enchaîné », un camembert « coq hardi ». Après la libération il y aura de nouveaux timbres à l’effigie du coq. Symbole, emblème de la France, le coq a aussi été célébré par la littérature.

Prosateurs, poètes, artistes ont célébré le coq à leur manière. Et cela dès les premières heures de la civilisation. Platon, Socrate, Plante, Ovide y ont fait référence dans leurs écrits. Mais c’est avec le Moyen-Age et le Roman de Renart que naît le personnage de chantecler repris au XIXème siècle par Edmond Rostand, pour sa pièce en vers et en quatre actes ; avec le grand Lucien Guitry pour lui donner chair.

Entre-temps, La Fontaine célébra le coq dans ses Fables, comme dans celle de La Perdrix et les coqs. Plus près de nous, la romancière Patricia Highsmith situera l’action de La Ferme des malheurs dans un élevage avicole où le coq tient son rôle dans l’intrigue de ce roman noir. Même George Orwell l’auteur de « 1984 », évoque le gallinacé dans sa « ferme des animaux ».

Depuis le symbole du coq n’a plus même résonance littéraire ni patriotique. Il est fort utilisé par la publicité, et c’est désormais dans le sport qu’il fait carrière ! Les origines du coq porté sur les maillots des sportifs sont obscures. Il est accepté que ce soit en 1911 que les joueurs de rugby de l’équipe de France arborèrent ce symbole victorieux après leur première victoire sur l’Angleterre, sur le score de 16 à 15…

Mais sans véritable certitude, les documents de l’époque n’étant pas toujours de bonne qualité. La première apparition avéré d’un coq sur un maillot de sportif remonte à 1914. L’animal ornait alors le polo du champion de France des 100 et 200 mètres, Parenteau. Dès lors, nombre de fédérations sportives vont inscrire le coq dans leurs blasons, sigles ou logos, et depuis 1972, les athlètes participant aux Jeux olympiques se voient attribuer le coq surmontant les cinq anneaux. Mais il faut bien reconnaître qu’au-delà de l’intention noble des instigateurs de ces décisions, les qualités prêtées au coq sont souvent dévoyées par des supporters bêtement chauvins, ce qui fait la joie des caricaturistes et des humoristes. Actuellement, il représente plus souvent les Français « franchouillard » que le peuple français aux vertus ancestrales.

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Article publié dans Historia, n° 619, juillet 1998.

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