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Il était une fois… le canon de l’École alsacienne

Vous passez tous les jours devant, certains même jouent dessus sans en connaître l’origine. Vous vous demandez sûrement quel est ce canon dans notre cour. Comment se fait-il que notre École soit probablement une des seules à posséder une telle arme ?

Un mois avant l’armistice du 11 novembre 1918, les français célèbrent déjà la victoire face à l’Allemagne. En octobre, sur la place de la Concorde s’entasse du matériel de guerre pris aux Allemands. Le gouvernement avait choisi de l’exposer pour une raison précise, car après la guerre, l’État est fortement endetté. Il faut inciter les français à participer au remboursement par le biais des souscriptions, mais c’est aussi une occasion de se vanter du matériel dérobé aux « boches ». Un professeur de l’École alsacienne a d’ailleurs retrouvé une aquarelle représentant les armes sur cette place.

Le 20 octobre 1918, un groupe d’élèves de l’École alsacienne décide de se rendre sur la place de la Concorde. Ils souhaitent se saisir d’un canon. La légende raconte qu’un officier voulait les empêcher de le prendre, en avançant que c’était la propriété de la Nation. Les élèves auraient déclaré « Mais nous sommes l’École alsacienne », et l’officier les aurait laissé faire. Cette histoire c’est Théodore Beck, directeur de l’École de 1891 à 1922, qui la raconte, rapportée dans le livre L’école de la légende de Georges Hacquard. 

Selon lui, un second groupe serait retourné place de la Concorde le lendemain, pour récupérer une deuxième arme, un mortier d’infanterie « Minenwerfer ». Cet objet a lui disparu depuis 1989, année où François Colodiet, ancien professeur d’histoire-géographie, déclare l’avoir vu.

Canon de l'École alsacienne
Illustration de la couverture de L’École de la légende 1891-1922, de G. Hacquard


Les élèves qui étaient allés chercher ce canon étaient très jeunes : de la classe de 7e (CM2) à la 4e. L’un d’entre eux se nommait Gaston Westercamp, il était âgé seulement de douze ans. 

Sa fille, Ninon Vignal, est devenue élève puis documentaliste à l’École alsacienne. Interviewée dans une vidéo-archive de la collection « histoires… Histoire… » du site de l’École, Mme Vignal explique que ces canons et ce monument aux morts lui évoquent les cérémonies du 11 novembre de l’École lorsqu’elle était élève. Durant ces cérémonies, les élèves de toute l’École se réunissaient devant les canons pour se rappeler et honorer les personnes mortes pour la France. Cet événement nous montre le patriotisme et l’engagement des élèves de l’École alsacienne dans l’histoire et la victoire française de 1918. L’armistice de 1918 signe la promesse du retour de l’Alsace au territoire français et à la Patrie. Cette victoire a une importance toute particulière pour l’École alsacienne dont l’origine remonte à la défaite de 1870.

Vous devez sûrement avoir connaissance de la présence du monument aux morts à côté de ce canon. Ce monument fut érigé six ans après la Grande Guerre à la mémoire des professeurs et anciens élèves de l’École alsacienne morts pour la France. Il fut inauguré le 26 janvier 1924 par le Président de la République française de l’époque, Alexandre Millerand. Lors de l’inauguration, après un bref discours de M. Jules Scheurer, c’est M. Péquignat, directeur de l’École, qui prononça l’éloge des professeurs et des anciens élèves morts pour la Patrie. Le Ministre de l’Instruction publique, M. Léon Bérard, rendit hommage au patriotisme de l’École ainsi qu’à son esprit d’initiative. M. Millerand déposa un magnifique bouquet de fleurs au pied du monument, devant lequel les 500 élèves de l’École présents défilèrent en jetant des fleurs. À l’époque, au moment de son inauguration, le monument était placé à l’arrière du bâtiment 6, puis, il fut déplacé dans le jardin de la direction lors des travaux de construction du bâtiment 1. 


Ainsi ces objets sont importants pour la mémoire commune de l’École, car notre école a vécu la guerre de très près. Elle fut transformée en une véritable caserne selon Théodore Beck. En effet, l’hôpital du Val-de-Grâce débordant de blessés, le bâtiment 2 est devenu un hôpital militaire. Les gymnases et les salles de classe sont devenues des dortoirs, le jardin d’enfant a été transformé en bureau de renseignements, et d’autres salles converties en infirmerie.

Mes amis, chers enfants ! Faites honneur à la France, n’oubliez pas un instant que la Patrie vous regarde, en attendant qu’elle vous appelle, vous aussi

Théodore Beck, directeur de l’École de 1891 à 1922


Au milieu de la guerre, le 1er octobre 1916, tous les élèves se réunirent dans la salle de gymnastique, et le directeur, M. Beck, leur dit ces mots : « Mes amis, chers enfants ! Faites honneur à la France, n’oubliez pas un instant que la Patrie vous regarde, en attendant qu’elle vous appelle, vous aussi ». Ces mots ont apparemment résonné dans la tête des élèves qui ont fait honneur à la France en représentant l’École jusque place de la Concorde.

Jeanne Fatome

Photographies :
Alexandre Barbaron


Article paru dans Graffiti n°32

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