📣 Cette dixième table ronde du cycle « L’Éducation en questions », nous a permis de réfléchir avec nos invités aux transformations induites par l’émergence de l’intelligence artificielle générative et à son impact sur l’éducation.
Nos invités :
- Axelle Desaint est directrice du programme national « Internet Sans Crainte » chez Tralalere, où elle œuvre à sensibiliser les jeunes et les familles à un usage responsable et sécurisé du numérique. Elle a participé à la commission d’experts sur l’impact de l’exposition des jeunes aux écrans de l’Élysée en 2024.
- Raphaël Gaillard est psychiatre et chercheur en neurosciences, professeur à l’université Paris-Cité et directeur du pôle de psychiatrie de l’hôpital Sainte-Anne. Il est l’auteur de L’homme augmenté (Grasset, 2024) et élu à l’Académie française.
La table ronde sera animée par Baptiste Muckensturm, journaliste.
Les élèves journalistes de la rédaction de Graffiti, XinMiao LG, Antonin PS et Ulysse CL, participeront à la table ronde et poseront leurs questions aux invités.
Vidéo
Le récit de la soirée
Ces dernières années semblent marquer le début d’une nouvelle révolution technologique dans nos sociétés. Les intelligences artificielles se développent à une vitesse fulgurante, entrant dans notre quotidien de manière plus ou moins visible. Les jeunes sont, comme souvent, les premiers à adopter ce nouvel outil — pour le meilleur, et parfois pour le pire.
Les systèmes éducatifs du monde entier observent cette évolution, qui prend de plus en plus d’importance dans le quotidien de chacun, volontairement ou non. Les écoles doivent alors comprendre ces IA, choisir de les intégrer ou de les tenir à distance.
C’est dans ce cadre que l’École alsacienne organise sa dixième table ronde, le mardi 3 juin 2025, intitulée « Quel avenir avec l’IA ? », en accueillant deux experts sur le sujet : Axelle Desaint et Raphaël Gaillard.
Une soirée avec des invités de haut vol
Pour aborder cette question complexe et multiforme, l’École alsacienne accueille deux experts, tous deux familiers de cette technologie en plein essor, mais avec des perspectives très différentes.
D’un côté, Axelle Desaint est directrice du programme national Internet Sans Crainte, au sein de Tralalère. Elle s’engage auprès des jeunes et de leur entourage pour promouvoir le développement de « pratiques numériques citoyennes, créatives et sûres », selon le site officiel du programme. Internet Sans Crainte est également l’organisateur français du Safer Internet Day, événement mondial consacré à la prévention et à la sensibilisation pour un usage plus responsable et sécurisé d’internet.
De l’autre, Raphaël Gaillard est psychiatre, chercheur en neurosciences, professeur à l’université Paris-Cité et directeur du pôle de psychiatrie de l’hôpital Sainte-Anne. Élu à l’Académie française en 2024 à seulement 47 ans, il en est devenu le benjamin. Il est également l’auteur de L’Homme augmenté : futurs de nos cerveaux, publié la même année aux éditions Grasset.
À leurs côtés, le journaliste Baptiste Muckensturm — fort de plus de 17 ans d’expérience chez Canal+, et journaliste/producteur à France Culture depuis près de 5 ans — anime la table ronde. Trois élèves et jeunes rédacteurs du journal Graffiti — Xinmiao L.-G., Antonin P.-S. et Ulysse C.-L. — participaient également à la discussion, dans le rôle de journalistes en herbe.
Des problématiques majeures de nos sociétés contemporaines
Aujourd’hui, 70 % des jeunes Français de 13 à 18 ans utilisent régulièrement des intelligences artificielles génératives — telles que ChatGPT ou Gemini, nous indique Axelle Desaint. L’essor récent des IA conversationnelles expose un public auparavant néophyte à une technologie à la fois fascinante et inquiétante, selon Raphaël Gaillard.
Ces IA, conçues sur le modèle du cerveau humain, créent des connexions entre différentes zones d’information dans une tentative de simuler une « intelligence ». Leur usage se généralise dans le quotidien des Français — certains élèves surnommant même ChatGPT « mon meilleur ami ».
Impressionnantes, ces IA présentent des capacités de mémorisation et de « raisonnement » remarquables, offrant des analyses poussées, presque chirurgicales, comme le souligne Raphaël Gaillard.
Mais alors, ces IA nous rendent-elles paresseux ? Oui… et non. Comme pour toute technologie, tout dépend de l’usage qu’on en fait. Ces outils peuvent être extrêmement pratiques, mais ils ne possèdent ni conscience, ni vérité absolue. Leurs réponses ne reposent pas sur des faits vérifiés, mais sur des calculs de probabilités. Elles peuvent donc produire des réponses erronées, voire inventées, simplement pour satisfaire l’utilisateur.
Les IA génératives comme ChatGPT n’ont qu’un objectif : servir l’utilisateur. Elles n’ont ni personnalité, ni pensée propre, ni intention. Ce ne sont que des outils.
Une introduction nécessaire, mais encadrée
Alors, comment introduire les IA de manière saine auprès des enfants ? Il est impossible de les ignorer. Si les adultes n’en parlent pas avec les jeunes, cela ouvre la voie à des usages déraisonnables. Axelle Desaint rappelle que, comme les réseaux sociaux, les IA sont soumises à des conditions générales d’utilisation.
Elles collectent de nombreuses données personnelles. Or, l’article 8 du RGPD (Règlement général sur la protection des données) précise qu’un mineur de moins de 13 ans ne peut donner son consentement à la collecte de ses données. Officiellement, ces outils ne sont donc pas accessibles aux moins de 13 ans. En pratique ? Beaucoup les utilisent déjà.
La solution la plus efficace reste donc l’accompagnement et l’éducation, insistent les deux experts. Il faut rappeler que l’IA est un outil d’assistance, non un remplaçant de l’être humain. Les erreurs sont possibles, et l’interlocuteur n’est pas une personne réelle.
Il est donc préférable de ne pas humaniser ces outils. On n’appelle pas Instagram « elle », alors pourquoi le faire avec une IA ?
Enfin, le DSA (Digital Services Act, ou Règlement européen sur les services numériques) impose de nouvelles régulations aux plateformes en ligne. Mais celles-ci restent largement méconnues du public, souvent en raison des techniques trompeuses utilisées par certaines d’entre elles.
L’école face à un défi éducatif
Oui, les enseignants et l’administration sont conscients que certains élèves utilisent des IA pour faire leurs devoirs. C’est pourquoi les devoirs à la maison disparaissent progressivement au profit d’évaluations sur table, en classe.
Par ailleurs, l’École alsacienne organise des formations pour les enseignants, afin de les familiariser avec les IA. Le lendemain de la table ronde, tous les professeurs ont ainsi été invités à une journée pédagogique consacrée aux intelligences artificielles.
L’École alsacienne, comme tous les établissements scolaires, entre dans une phase de réflexion sur l’intégration de l’IA dans la scolarité. Car ignorer cette révolution n’est tout simplement plus possible.
Xinmiao L-G, 1e